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Blaise Compaoré à la VOA : "Le débat sur la légalité du référendum est derrière nous"


Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso.
Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso.

Invité de la Voix de l’Amérique, le Président Blaise Compaoré est revenu longuement sur la politique intérieure du Burkina Faso et sur l’épineuse question du référendum pour la modification ou non de la constitution.

En marge du sommet des chefs d’Etats d’Afrique et des Etats-Unis, début août 2014 à Washington, la VOA a eu un entretien avec le Président Blaise Compaoré du Burkina Faso. Dans cette interview, il aborde plusieurs sujets : sa participation au sommet de Washington, la crise malienne, l’insurrection islamiste de Boko Haram etc. Il revient surtout longuement sur la politique intérieure du Burkina Faso et sur l’épineuse question du referendum pour la modification de la constitution au Burkina Faso afin qu’il puisse se représenter à la fin de son mandat en 2015.

Est-ce que ce sommet Etats-Unis Afrique a répondu à toutes vos attentes ?

Blaise Compaoré : "Je dois dire que pour les Africains – en tout cas les chefs d’Etat qui étaient présents - nous avons vu en cette initiative historique un grand moment pour que les Etats-Unis et l’Afrique œuvrent ensemble, d’un commun accord, pour bien sûr soutenir un développement international équilibré qui permettrait à l’Afrique de trouver davantage d’intérêts dans le mouvement du monde économique."

Blaise Compaoré : "Le débat sur la légalité du referendum est derrière nous"
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Qu’est-ce que vous attendez des investisseurs américains ?

Blaise Compaoré : "Bien sûr l’Afrique a aujourd’hui besoin d’investissements, ce qui veut dire que nous sommes là pour échanger, partager, mieux faire connaitre le continent mais surtout de notre côté, leur dire notre engagement a créer des conditions bien sûr plus favorables, à créer un environnement beaucoup plus attrayant pour les Américains qui ont montré à travers le monde leur grand esprit d’entreprise mais aussi de capacité à travailler avec d’autres peuples."

Beaucoup ont dit que le Président Obama n’a pas fait assez pour le continent durant ses deux mandats et que ce sommet (Etats-Unis/Afrique) était une façon pour lui de se rattraper, est-ce votre avis ?

Blaise Compaoré : "Nous nous pensons que ce n’est pas la première fois que le président Barack Obama nous écoute. Je me rappelle qu’à son arrivée, nous avons eu, à New York, une rencontre qui avait permis bien sûr aux Africains d’exprimer au président leurs préoccupations et depuis nous avons senti cette proximité de l’Amérique à nos côtés, même si, comme vous le savez, tout le monde entier a traversé une crise financière qui a été très difficile aussi pour les Etats-Unis. Nous pensons que l’initiative qui a été prise hier par le président, de conduire de nouveaux programmes pour l’Afrique, cette décision a été bien accueillie."

Vous êtes de gauche d’origine, vous avez dirigé la Révolution au Burkina Faso, en moins d’un an, vous êtes venu ici deux fois, et vous voici en train de discuter avec des investisseurs américains, est-ce à dire que l’anti-impérialisme que vous prêchiez à l’époque avec Thomas Sankara est désormais derrière vous ?

Blaise Compaoré : "Je crois que le monde a évolué c’est-à-dire que, comme vous le savez, il y a eu bien sûr la fin de la guerre froide dans les années 90 et cela a bien sûr amené les populations du monde entier à se tourner vers des programmes économiques, bien sûr, faits d’efficacité, faits de résultats. Et sur cette base, je crois que tous les pays ont une orientation plus libérale, la gestion économique des nations. C’est ce qui a fait que le Burkina, dans cette direction, a trouvé aussi des possibilités pour maintenir une croissance économique acceptable et assez appréciable. Et c’est certainement une voie sur laquelle nous allons poursuivre, ce qui nous permet aujourd’hui, avec beaucoup de confiance pour notre économie, de nous ouvrir au partenariat avec le privé."

Où en est-on avec cette question de subvention aux coton-culteurs américains que les paysans africains notamment du Burkina Faso ou du Benin, ont souvent dénoncée? Est-ce que c’est toujours d’actualité ?

Blaise Compaoré : "Je pense que cette bataille que nous avons engagée c’etait une bataille assez difficile car c’est le pot de fer contre le pot de terre. Finalement, je pense qu’aujourd’hui, même si les résultats n’ont pas été conséquents pour nous, il y a eu quelques subventions qui ont accompagné la production de coton dans notre espace, mais sur notre capacité à influencer les cours mondiaux, cela n’a pas été possible. Il a fallu qu’à notre niveau, on restructure un peu nos entreprises, qu’on s’organise mieux, qu’on ait plus de productivité et plus de production. C’est ce qui a permis, je pense bien, à nos paysans de pouvoir tenir et aux entreprises de traitement de coton d’avoir aussi la tête hors de l’eau."

Est-ce que lors de ce sommet vous avez abordé cette question avec vos partenaires américains ?

Blaise Compaoré : "Non, je pense qu’aujourd‘hui, ce dont nous avons besoin - parce que le Burkina est à 750.000, vers 800.000 tonnes de coton. C’est pratiquement le premier producteur africain, donc ce que nous recherchons aujourd’hui c’est plutôt des investisseurs pour nous aider à transformer ce coton. Parce que de la transformation, il y aura une valeur ajoutée plus grande pour notre économie, pour nos producteurs."

Vous parlez souvent du capital humain, qu’est-ce qui est fait au Burkina pour attirer la diaspora pour qu’elle retourne investir au Burkina ?

Blaise Compaoré : "Ce que nous faisons d’abord, c’est de créer les conditions pour qu’elle accepte de revenir. Et c’est toutes les reformes que nous avons engagées ces dernières années pour à la fois attirer le privé international mais aussi pour que les Burkinabè comprennent qu’il y a un intérêt à revenir dans un pays où la gouvernance est meilleure, où l’encadrement des activités économiques est bien sûr sans contrainte particulière. Vous voyez la liberté d’entreprise est garantie avec une sécurité juridique. Alors c’est cela que nous sommes entrain de construire. Et nous espérons qu’avec bien sûr le mouvement vers le haut de l’économie, cela va attirer des compétences parmi la très grande diaspora dans le monde."

En ce moment il y a un débat au Burkina Faso : d’abord d’un côté vos partisans qui demandent à ce qu’il y ait un referendum pour que la constitution soit changée notamment au niveau de son article 37 et il y a de l’autres côté l’opposition et la société civile qui ne veulent pas qu’on touche à la constitution, comment vivez-vous ce débat là ?

Blaise Compaoré : "Moi je pense que c’est bien pour la démocratie, je pense que ce qui est important dans la république, c’est que les libertés font que sur des questions d’intérêt national, on s’exprime. Soit on est entièrement favorable, ou il y a effectivement des camps qui s’opposent sur le choix à faire par rapport à l’orientation donnée à telle ou telle question. Alors je crois que ce débat est bien sûr instructif, même pour nous. Vous voyez, pour comprendre que dans la république, sur des questions du genre, on peut en débattre librement. Mais aussi il y a que la constitution dispose que le président du Faso, par exemple, peut, sur une question d’intérêt national, proposer au peuple, un referendum, c’est ce qui bien sûr fait débat. Voilà mais, je pense qu’on ne sort pas du cadre de la république et de la démocratie."

Donc le referendum aura lieu ?

Blaise Compaoré : "Je ne dis pas qu’il aura lieu mais, il est important au moins de noter qu’aujourd’hui, le débat sur la légalité de ce referendum maintenant est derrière nous. C’est-à-dire que même dans l’opposition, vous trouvez des personnes leaders qui reconnaissent que ce droit reconnu au président du Faso, ce droit reconnu surtout au peuple burkinabè, est un droit qu’on ne peut pas contourner. Mais il n’y a pas de choix encore qui a été fait."

Ce choix dépend de vous, parce qu’il y a eu des manifestations de part et d’autre et on attend toujours que le président du Faso se prononce sur la question.

Blaise Compaoré : "Oui mais les gens non seulement publiquement font des choix mais ils discutent aussi entre eux pour voir quelle est la meilleure formule pour bien sûr accompagner le choix qui sera fait, par nous-mêmes, soit par l’Assemblée ou par un referendum. Tout ça c’est encore des possibilités qui restent pour la république."

A l’époque quand le président Mamadou Tandja voulait modifier la constitution, au terme de ses deux mandats, vous l’aviez critiqué, est-ce que ne pensez pas que vous vous retrouvez un peu dans la même situation que Mamadou Tandja?

Blaise Compaoré : "Non, la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, avait apprécié le contexte nigérien dans lequel la constitution du Niger n’autorisait pas, comme c’est le cas chez nous, de referendum sur un certain nombre de points. Par exemple vous savez, même au Burkina, la constitution interdit un referendum sur l’intégrité du territoire, sur le caractère, la forme et la nature républicaine de l’Etat, et sur le multipartisme, c’est inscrit qu’il n’ y a pas de referendum sur ça. Alors que le Niger, c’était plutôt cette question du mandat qui était donc associée à cette interdiction, voilà pourquoi il y avait débat, un débat différent au Niger."

Et vous savez que le temps court, est-ce que vous savez quand est-ce que vous allez vous prononcer sur la question ? Quand-est-ce qu’on va avoir le referendum ?

Blaise Compaoré : "Quel temps qui court ? Le temps il court pour aller où?

Pour aller en 2015 ?

Blaise Compaoré : "Oui mais nous sommes en 2014, donc on a suffisamment à faire avant peut-être de… Enfin on ne peut pas placer cette question en tête de nos priorités. Vous savez que nous sommes là pour un mandat de 5 ans, avec un programme, et je crois que c’est l’exécution de ce programme qui est le plus important pour nous d’abord. En tout cas on a du temps pour faire un referendum ou pas."

Et où en est-on avec le dialogue avec l’opposition ?

Blaise Compaoré : "Le dialogue se fait. C’est sûr que les rencontres politiques ne sont pas toujours des rencontres qui se font en plein jour. Mais il y a certainement entre les forces politiques des contacts qui se font parce que depuis qu’ils sont ensemble, ces forces politiques sont à l’Assemblée ensemble, aussi dans la ville ensemble, partout donc il y a certainement des discutions qui se font."

Mais pas au niveau officiel ?

Blaise Compaoré : "Ca se fera. Certainement officiellement aussi."

Boko Haram est une malédiction pour l’humanité. »

Concernant la crise malienne, quel rôle pensez-vous pouvoir jouer dans l’application des accords d’Alger ?

Blaise Compaoré : "Alors moi je pense que ce que nous souhaitons c’est qu’Alger puisse réussir pour que nous puissions vraiment en finir avec cette crise qui, vous le savez bien, affecte aussi le Burkina Faso. Parce que c’est sur nos frontières Nord. Donc c’est vraiment une préoccupation pour le Burkina. Et notre souhait c’est vraiment de voir aboutir les discussions d’Alger, le plus rapidement possible."

Mais vous n’avez pas été un peu frustré de n’avoir pas été associé aux accords d’Alger ?

Blaise Compaoré : "Ah non, nous sommes associés, nous accompagnons, nous soutenons les discussions qui se passent à Alger. Notre souhait c’est bien sûr qu’il y ait un accord pour que nous puissions aussi accompagner la mise en œuvre parce que ce que nous recherchons ce n’est pas une publicité dans des situations aussi difficiles, mais c’est vraiment la solution à la crise qui est vraiment notre première préoccupation."

On a vu les islamistes s’emparer du nord du Mali, et maintenant on a Boko Haram qui, non seulement sévit au Nigeria, mais a dépassé les frontières et est maintenant au Cameroun. Comment est-ce que vous voyez la résolution de cette crise liée à Boko Haram ?

Blaise Compaoré : "Alors je pense que ce qu’il faudrait c’est d’abord que les Etats s’organisent pour comprendre qu’au delà même de notre région Boko Haram est une malédiction pour l’humanité. Ce genre de comportement d’hommes et vraiment notre siècle, donc je crois qu’il faut qu’il y ait une mobilisation de la région avec les pays de l’Afrique centrale qui sont aussi intéressés par ce phénomène pour qu’ensemble, en mutualisant nos moyens, en organisant mieux nos services de renseignement dans la zone, et aussi en essayant d’intervenir, de façon avec une détermination mais surtout avec un professionnalisme plus grand, que nous puissions mettre fin à ce genre de comportement assez sordide dans notre région."

Quelles sont les dispositions qui sont prises dans ce sens au niveau de la CEDEAO ?

Blaise Compaoré : "La CEDEAO, a décidé de relancer son programme d’action, sa stratégie de lutte contre le terrorisme dans la région. Mais aussi de mettre en œuvre son plan d’action qui va bien sûr comporter un ensemble de dispositifs beaucoup plus vigoureux que ce que nous avons vu actuellement."

Et ça ne sera pas le seul front, parce qu’on a maintenant la crise d’Ebola qui a atteint près de quatre pays dont notamment le Nigeria. Comment vous organisez la riposte face à cette épidémie ?

Blaise Compaoré : "Il y a des réunions qui sont prévues ces jours-ci pour permettre d’avoir une stratégie plus globale nette. Mais en même temps un suivi scientifiques beaucoup plus déterminé afin d’enrayer ce fléau-là, cette épidémie. Ca on peut le dire."

Propos receuillis par Bagassi Koura

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