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Mathias Morouba à la VOA: "dans ces conditions, ce n'est pas possible d'organiser des élections en Centrafrique"


Mathias Morouba, dans les studios de la VOA, mars 2014.
Mathias Morouba, dans les studios de la VOA, mars 2014.

Le président de l'Observatoire centrafricain des droits de l'homme est l’invité de la Voix de l’Amérique. Il explique que sans armée ni justice fonctionnelles, le scrutin présidentiel 2015 est impossible à organiser alors que près d'un million de personnes sont déplacées suite au conflit.

Dans sa déclaration devant le Conseil de sécurité, le ministre centrafricain des affaires étrangères, Toussaint Kongo-Doudou, a expliqué que les milices soudanaises Janjaweed sont impliquées dans les abus commis par les ex-éléments de la Seleka. Confirmez-vous ?

Mathias Morouba : "Nous savons que des Janjaweed sont venus du Darfour. Ce sont des Soudanais qui ont fortement appuyé la Seleka. Il y a notamment un général Moussa qui a agi dans Bangui. Il y a aussi des Soudanais qui ont opéré à Yaloke. Aujourd’hui, ces Soudanais ne sont plus dans la capitale, ils se sont retirés dans le Nord et nous ne savons pas ce qu’ils préparent."

Antonio Guterres, qui dirige le HCR, parle de "nettoyage ethnique" en Centrafrique. Est-ce votre avis ?

Mathias Morouba : "Il faut nuancer. On ne peut pas parler de nettoyage ethnique. Il n’y a pas une ethnie qui s’appelle musulman en Centrafrique. C’est une confession religieuse. Nous avons constaté que certains belligérants ont procédé à des attaques ciblées et des musulmans ont été obligés de quitter le pays. Certains éléments de la Seleka ont aussi commis des actes de ce genre. Cela a mis à mal la quiétude centrafricaine."
Me Mathias Morouba au micro de Nicolas Pinault
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Est-ce que les autorités centrafricaines sont à la hauteur pour faire face à l'insécurité ?

Mathias Morouba : "Soyons réalistes. L'Etat centrafricain est en mal de sécuriser l'ensemble du pays. L'armée n'en a que le nom et n'a pas les moyens pour faire ses missions. C'est la raison pour laquelle, la communauté internationale est intervenue."

Après la mort d'un juge il y a quelques mois, les professionnels du droit étaient descendus dans la rue. Quelle est aujourd'hui la situation en Centrafrique ?

Mathias Morouba : "Nous regrettons l'assassinat de Modeste Bria, directeur général des services judiciaires. Ce qui lui est arrivé nous interpelle tous. Il n’y a pas de sécurité. Chez nous, n’importe qui peut avoir des grenades lors des audiences. Il faut mettre la chaîne pénale en marche."

Dans ces conditions, comment organiser des élections en février 2015 ?

Mathias Morouba : "Les élections sont un processus. Il doit commencer par l’identification des électeurs. Aujourd’hui, ces électeurs sont dans la nature, d’autres sont à l’étranger. Comment voulez-vous organiser des élections dans une insécurité totale, où le pays est quasiment divisé en deux ? Je ne peux pas dire que nous sommes prêts à organiser ces élections. Ce n’est pas réaliste. C'est pour cela qu'il faut une force onusienne pour imposer la paix à tout le monde."

Vous connaissez bien le cas de Jean-Pierre Bemba qui est actuellement jugé par la CPI. Quel parallèle faites-vous entre les évènements de 2002-2003 et la situation actuelle en Centrafrique ?

Mathias Morouba : "Juger Jean-Pierre Bemba est une chose mais cela ne suffit pas. Il y a d'autres acteurs centrafricains qui n'ont toujours pas été inquiétés. La CPI doit aussi les juger. Aujourd'hui, on retrouve parmi les présumés auteurs des évènements actuels, les auteurs des crimes contre l'humanité et crimes de guerre perpétrés en 2002-2003. Les gens pensent que l'impunité devient la règle."

Propos recueillis par Nicolas Pinault
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