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Une multitude de substances antibiotiques identifiées dans la peau de grenouilles


Des amphibiens sécrètent par leur peau des substances antimicrobiennes appelées peptides
Des amphibiens sécrètent par leur peau des substances antimicrobiennes appelées peptides
Avant l’apparition des réfrigérateurs, on avait bien du mal à conserver le lait frais sans qu’il fermente. Mais dans certaines provinces de la Russie, la tradition voulait qu’on place une grenouille dans le seau contenant le lait, ce qui l’empêchait de tourner.
Un chimiste, Albert Lebedev de l’Université de Moscou, a justement grandi à la campagne, là où nombre de ses compatriotes élevaient encore des vaches. Il s’est souvenu qu’en l’absence de réfrigérateur, on plongeait une grenouille dans le seau de lait.

« Pour des petites quantités de lait, on mettait une grenouille dedans. Une petite grenouille de la région empêchait le lait de tourner » explique M. Lebedev.
Il faut croire que ces fermiers savaient ce qu’ils faisaient car les recherches ont montré que ces amphibiens sécrètent par leur peau des substances antimicrobiennes appelées peptides.

Les vertus médicinales de cette grenouille russe n’ont pas surpris les chercheurs Américains. Car certains avaient déjà découvert il y a environ 25 ans que les amphibiens ont des propriétés étonnantes.
Certaines espèces de grenouilles produisent des mélanges d’antibiotiques puissants dans leurs peaux
Certaines espèces de grenouilles produisent des mélanges d’antibiotiques puissants dans leurs peaux

Il faut dire que les ovaires de grenouilles cornues d’Afrique sont particulièrement prisés par les scientifiques occidentaux, qui s’en servent dans leurs recherches. Dans les années 1980, Michael Zasloff procédait à l’ablation chirurgicale des ovaires de grenouille pour ses recherches aux Instituts Nationaux de la Santé (NIH), ici aux Etats-Unis. Il a remarqué que lorsqu’il replongeait ses grenouilles dans leur aquarium grouillant en microbes, leurs plaies se cicatrisaient rapidement, au lieu de s’infecter. Des analyses plus poussées ont montré que la peau des grenouilles cornues d’Afrique produit une substance antimicrobienne. Ce qui a mené à une autre découverte : certaines espèces de grenouilles produisent des mélanges d’antibiotiques puissants.

« Ce qui est étonnant, c'est qu'il n'y a pas deux grenouilles qui produisent le même mélange. Elles sont toutes différentes, et merveilleusement adaptées pour faire face aux microbes auxquelles elles sont confrontées » explique M. Zasloff.

Il faut dire que pour ces amphibiens, c’est une question de vie ou de mort. Ils respirent et boivent par leur peau, et passent la majorité de leur vie dans des eaux remplies de microbes.

Pour en revenir au chercheur russe, Albert Lebedev de l’Université de Moscou, il précise lui aussi que plus les scientifiques étudient les sécrétions des amphibiens, plus ils découvrent de composés.

« Ils peuvent être antifongiques, antiviraux, antibactériens, anti-tumoraux ; il peut s’agir de neuropeptides, d’analgésiques ... Donc, de composés dotés de nombreuses fonctions différentes », déclare M. Lebedev.

Lorsqu’il a étudié les grenouilles dont se servaient les habitants de son ancien village pour conserver le lait frais, il a découvert d’innombrables peptides.

« Nous avons trouvé quelque chose comme 80 peptides. Et chacun d'eux est responsable de quelque chose. Donc, nous n’avons pas encore exactement identifié le rôle de chaque peptide », explique le scientifique.

Une chose est certaine néanmoins : plusieurs d'entre eux tuent les bactéries de staphylocoque, un microbe responsable d'infections cutanées graves, et la salmonelle, qui provoque des intoxications alimentaires.

Voilà pourquoi les sécrétions des grenouilles permettaient au lait de garder sa fraîcheur. Et comme il s’agit de quantités infimes, cela signifie que ces sécrétions sont un antibiotique particulièrement puissant. Il n’en reste pas moins qu’il faudra des années avant qu’on ne puisse mettre au point des médicaments commercialisables. Le processus est aussi couteux que difficile, rappelle M. Lebedev.

Néanmoins, les scientifiques sont déjà au travail, dont l’Américain Michael Zasloff, aujourd’hui à l’université Georgetown de la capitale américaine, Washington. Il cherche à mettre au point un médicament permettant de traiter les infections au pied chez les diabétiques, basé sur l'un des peptides de la grenouille cornue d’Afrique.
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